Pourriez-vous nous parler de votre distribution et de votre méthode de travail avec vos acteurs ?
Alex Loukos : La distribution a été tout un défi compte tenu du bassin assez restreint de comédiens francophones dans la région torontoise.
Je savais que je voulais travailler avec Louise Naubert. Je pressentais que le rôle d’Anne pouvait lui plaire et qu’elle serait à même d’apporter une contribution significative, étant elle-même actrice, comédienne et metteure en scène de théâtre. Je lui ai donc proposé, et, j’ai été heureux de voir qu’elle se montrait intéressée. Pour ceux et celles qui ne connaissent pas Louise Naubert, elle est codirectrice artistique du Théâtre La Tangente depuis plus d’une douzaine d’années et lauréate du Prix John Hirsch de mise en scène 2011. Il faisait aucun doute pour moi qu’elle était la personne idéale pour incarner le rôle de la metteure scène surmenée qui s’accroche coûte que coûte à sa pièce.
Ce que j’ai trouvé particulièrement intéressant avec la distribution, c’est que tous les acteurs venaient d’horizons assez divers.
J’ai ensuite eu un coup de cœur pour Francesca Bàrcenas, fraichement arrivée de Montréal au moment des auditions et que l’on a pu d’ailleurs voir, dans différentes séries québécoises. Elle a été vraiment parfaite dans son rôle.
Pour sa part, Bruno Verdoni est un acteur très expérimenté. Il a un gros curriculum vitae en cinéma, télévision, théâtre, aussi bien à Montréal, Vancouver, Los Angeles, New York, et maintenant, à Toronto. C’est quelqu’un qui a su apporter son savoir-faire et beaucoup d’assurance sur le plateau du tournage.
Ziad Ek est lui, un jeune comédien tout frais émoulu de son école. Sa contribution a été pour moi un vrai coup de chance. En effet, j’avais un mal fou à trouver un comédien francophone d’origine arabe ou du Moyen-Orient qui puisse jour le rôle de Karim et c’est Joël Beddows, directeur artistique du TfT, qui me l’a vivement recommandé.
Enfin, j’ai travaillé avec Michel Scotta Delorme qui n’est pas vraiment un comédien puisqu’il est musicien, mais son aisance sur scène et avec la caméra convenait très bien à son rôle sans dialogue. Je n’ai pas rencontré de difficulté majeure quant à sa direction. L’essentiel étant qu’il reste le plus naturel possible.
Je dois avouer que je n’ai pas de réelle méthode de travail avec mes acteurs puisque mon expérience en termes de direction est assez restreinte.
J’ai bien eu l’occasion de suivre quelques ateliers et de lire des ouvrages sur le sujet pour me doter d’outils supplémentaires, mais, il n’y a pas de secrets, c’est sur le tas que l’on apprend et ce n’est qu’un film à la fois, que l’on peut appréhender les choses, et prendre du métier.
Je dois également dire que nous avons fait face à de grands défis et j’ai dû, en dernier recours, me fier à mon intuition et au questionnement de mes acteurs. Dès qu’il y avait quelque chose de pas clair dans leurs esprits, j’essayais de répondre le mieux possible et, s’ils se sentaient à l’aise avec leur personnage, je les laissais faire.
Nous avons, tout d’abord, été confrontés au manque de temps consacré aux répétitions, et ce, pour des questions budgétaires. J’aurais tellement aimé pouvoir travailler plus en profondeur avec mes comédiens avant le tournage, même si, dans l’ensemble, tout s’est relativement bien passé. Bruno Verdoni, par exemple, n’a pas pu venir aux répétitions, car il était en tournage sur une autre production. Les autres acteurs ne l’ont donc découvert qu’au moment du premier jour du tournage. Les interactions entre eux (dynamique entre les personnalités et énergies dégagées) se sont donc faites plus lentement et nous avons mis un peu plus de temps à trouver nos marques et notre vitesse de croisière.
L’autre grand défi provient du scénario lui-même. Les quatre acteurs principaux jouaient des rôles de comédiens en train de répéter une pièce, ce qui ne posait, à priori, aucun problème en soi. Cependant, étant donné que le film et le scénario reposaient sur un assemblage de fragments d’histoires, il n’était peut-être pas si évident pour eux de cerner, en un si court laps de temps, toute la continuité de la psychologie de leur personnage. Mais, il me semble qu’au final, rien ne transparaît.
Enfin, je dirais que c’est toujours extraordinaire de voir comment les acteurs apportent des éléments qui ne se trouvent pas dans le scénario et cela rend le travail vraiment intéressant.