Janvier 2024
Par Hanane Bendisari et Isabelle Rhéaume
De l’autre côté est un court-métrage documentaire émouvant et inspirant qui suit le parcours d’un musicien talentueux, une célébrité dans son pays d’origine, qui a dû tout recommencer en immigrant au Canada. En dépit des nombreux défis tels que les barrières linguistiques et les différences culturelles, il n’abandonne pas sa passion pour la musique et parvient à s’établir sur la scène musicale de Toronto. Le film, basé sur des entretiens intimes, montre la détermination et la résilience de ce musicien alors qu’il s’adapte à une nouvelle ville, une nouvelle culture et un nouveau mode de vie. C’est un témoignage de la force de l’esprit humain et de la capacité des immigrants à réussir malgré les obstacles. Il laissera les spectateurs se sentir motivés, encouragés et inspirés pour poursuivre leurs propres rêves. »
Le projet a pris forme lors d’une course organisée par TV5 où la réalisatrice Hanane Bendisari a eu l’honneur de représenter la région de l’Ontario. Le projet de film de départ était tout autre. Cependant, près de la fin de la « course » , les nouvelles contraintes contractuelles quasi quotidiennes rendaient la réalisation du premier projet impossible. Ne disposant d’aucun budget, elle a dû improviser, gérer la crise et rebondir. C’est alors qu’elle a demandé à Fethi Nadjem s’il voulait bien lui rendre service en lui parlant de son parcours de musicien à Toronto, car c’est une idée qui lui trottait dans la tête depuis longtemps. Dans sa générosité, Fethi lui a donné bien plus que ce qu’elle espérait, et c’est au montage que s’est finalement révélé le vrai sujet du film : l’histoire de Fethi Nadjem, immigrant algérien qui a dû tout recommencer au Canada. Sans jamais savoir dans quoi il s’embarquait, sans avoir aucune carte en main, Fethi a finalement surpassé les pronostics en faisant une intégration réussie dans son pays d’accueil et dans la ville de Toronto, où il occupe désormais une place importante sur la scène artistique et communautaire.
La réalisatrice ressent le besoin de raconter et de transmettre des histoires de vie, provenant certainement du fait qu’elle a été en position de « minorité » tout au long de sa vie et du constat de manque de perspectives qui ressemblent à la sienne. Dans son entourage, elle est souvent confrontée à une incompréhension de son environnement face à ses réalités. Elle avait donc envie de raconter « l’autre » afin d’instruire et d’ouvrir les esprits vers des réalités que les gens n’imaginent pas ou alors auxquels ils ne sont pas confrontés. Cela permet de » donner une voix de plus dans des sociétés où les minorités sont oubliées, ignorées, effacées.
De l’autre côté est un exemple parfait de ce qui plait et ‘inspire Hanane dans le cinéma. Elle ne conçoit pas l’image sans le son ni la musique sans image. Elle s’est toujours créé des films dans sa tête lorsqu’elle écoute de la musique, et elle écrit toujours ses films à partir de la musique qui l’a inspirée. On peut voir dans ce documentaire la complémentarité de la musique et du cinéma et la façon dont l’un ne peut se séparer de l’autre. Le montage et la musique de Fethi donnent la profondeur et l’âme du film. Fethi a été extrêmement généreux dans sa collaboration sur ce film au-delà d’en être le sujet, et y prêtant ses chansons ainsi qu’en performance « live », offrant sa poésie, notamment lors de la scène finale au bord de l’eau, regardant de l’autre côté.
Fethi étant le mari de Hanane, elle a eu le privilège d’avoir un accès direct à son vécu et ses sentiments profonds, qu’il n’exprime pas en public. Leur intimité permet de faire ressortir ses perspectives avec aisance et sans retenue. Son parcours la touchait en ce sens qu’il n’avait aucune carte en main lorsqu’il a tenté le saut de l’immigration, à contre-courant de ce qu’il connaissait, et qu’en voyant son évolution, sa résilience et comment il a évolué durant ce périple, la réalisatrice a pensé qu’il serait inspirant.
Hanane affirme que cette expérience lui a appris que dans le documentaire, ce qui est le plus difficile est de révéler l’émotion. Il est donc préférable d’avoir ou d’établir une proximité et une intimité avec le sujet. La ligne est très fine entre le documentaire sans émotion et le documentaire poignant.
Le manque de temps, le manque d’une équipe, et le manque de budget pendant la course pour laquelle elle a réalisé ce documentaire se sont avérés des défis de taille. Travaillant à temps plein c’était un très grand challenge de créer une histoire intéressante, jolie et bien réalisée dans un si court laps de temps et sans argent. De la préproduction à la postproduction en passant par la production, Hanane était seule avec sa modeste caméra et ses deux petits micros pour tout faire. Fethi a été d’une immense aide quant à la musique qui a donné toute la profondeur au film. Elle a été surprise de ce peut être produit avec seulement deux personnes, de bonnes intentions, une bonne synergie et beaucoup d’huile de coude. Tout le documentaire a été tourné à Toronto avec un budget de 1000$ alloué par la course des régions TV5!
Le documentaire a remporté le prix de la relève de Main Film.